Je me souviens de certaines odeurs particulières de l’hôpital. Celles de l’éther, du plâtre, ou de l’eau de Cologne utilisée lors des démoulages, l’odeur de cuir des orthèses et des prothèses. Et pourtant, parfois, on avait l’impression de grandir dans un centre de colonie de vacances.(…)
Mes souvenirs d’enfance sont bien évidemment distants, confus et surtout épars. La salle de jeux de l’hôpital, ses meubles en bois, son odeur surannée si particulière, ses livres, ses jeux innombrables, les fêtes organisées, les ateliers cuisine, crochet, tricotage et collage, les cahiers de coloriage, le Père Noël qui me faisait si peur mais auquel je n’ai pas cru bien longtemps, les moulins à vent portatifs, colorés et couinant car cinglés par les vents, la terre humide après une pluie douce, le parfum des mûres sauvages, les radis que l’on plantait sur les rares espaces naturels à proximité de l’hôpital. J’adorais le petit déjeuner du matin, les tartines de pain de mie au beurre et à la confiture. Faut reconnaître que je me goinfrais parfois sous le regard médusé et amusé de la monitrice : « Tu vas manger tout ça Halima ? ». Je répondais alors gaiement « Capable… ! ». La présence de mes petits camarades stimulait ma gourmandise et ma témérité, l’esprit colonie de vacances égayait fortement nos séjours berckois. Fallait bien rire un peu, on ne s’en privait pas ! On pouvait être turbulents, moqueurs envers les soignants, peut-être même parfois injustes, récalcitrants à certaines obligations. Nous étions libres sans l’être vraiment, enfermés que nous étions dans des espaces réservés, mais nous étions d’abord et avant tout, malgré nos pathologies respectives, des enfants et des adolescents qui souhaitions partager secrets, rigolades et complicité.