En 1975, pour Noël, avec Simone, nous décidons, au dernier moment, de nous acheter un poste de télévision en noir et blanc. Est-ce si important ? Nous ne nous abrutirons jamais devant la télé, mais il faut bien reconnaître qu’elle change alors les habitudes, impose ses horaires, crée des petites dépendances et tente de dicter ses goûts.(…)
Le soir venu, le week-end surtout, comme chez nombre de français, j’imagine, la télévision investit la salle à manger, conditionne notre présence selon son propre agenda : le journal télévisé de 20 heures, le film du dimanche soir, les jeux télévisés ou les émissions de variétés. Comment ne pas se souvenir « les décors sont de Roger Harth et les costumes de Donald Cardwell» de Au théâtre ce soir ? Impossible, quand on y pense, d’oublier les paillettes et les images vaporeuses des shows proposés par Maritie et Gilbert Carpentier dans lesquels Sheila, Claude François ou Frédéric François ne nous laissent pas insensibles. Avec Simone, ça tombe bien, nous partageons les mêmes goûts.
Les goûts, parlons-en ! À la fin des années soixante-dix, il m’arrive, dans les mariages de danser sur du disco. Eh oui, moi le féru de valse, de tango, de java, d’accordéons, je piétine le sol et me déhanche sur des rythmes synthétiques. Non par plaisir, mais je fais comme si ; je respire l’air du temps. La télévision joue son rôle pour le diffuser, mais les modes passent et trépassent. Et l’accordéon, quant à lui, la valse, le tango, la java, me demanderez-vous peut-être ? Aujourd’hui encore, toujours le même plaisir, le même bonheur. Et vous pouvez même y ajouter la country, roulez jeunesse… !(…)
La gentille et inoffensive petite lucarne s’impose et en impose. Débats, marques de savon, renommées. Hommes politiques ou comiques. Les comiques surtout dont j’ai toujours raffolé. Le côté clown certainement. Ils se permettent de dire des choses vraies, ou pas. Comme des enfants. À bientôt quatre-vingt-un ans, ils me font toujours rire, n’est-ce pas Paulo ?
C’est dans ces années-là, fin des années soixante-dix, années quatre-vingt, que je commence à noter sur une petite feuille cartonnée, dates, âges, circonstances du décès de personnes souvent célébrées par la télévision et qui ont un peu partagé notre vie. Ces hommes et ces femmes nous sont devenus, quelque part, des étrangers familiers. Claude François, Louis De Funès, Thierry Le Luron, Coluche, plus tard, Jeanne Calment, Éric Tabarly. Et j’en passe ! Électrocution, crise cardiaque, maladie, accident, vieillesse, noyade. Je dois trouver cela intéressant de l’écrire noir sur blanc. Pourquoi ? Est-ce le motif du décès, la jeunesse ou non de la personne qui vient malheureusement de nous quitter ? Je ne sais plus. Est-ce qu’inconsciemment ces petites annotations, brèves et définitives, sur des personnes qu’assurément je respecte, ne parlent-elles pas de mes propres angoisses ? Du temps qui passe, de la précarité de la vie, de la peur de la maladie, de la mort ? Vraiment, je ne sais pas.