René – Extrait 5 – Quatre-vingts ans – 2020: un nouveau vocabulaire

Passé un certain âge, on s’habitue, on n’a pas le choix, à voir disparaître nos proches, des membres de la famille ou des amis. Mes deux amis du service militaire décèdent presque l’un après l’autre. Pierre en 2016 et André en 2018. Avec leurs femmes, on se souhaite encore la bonne année ; c’est important de conserver le lien. Dans Ouest-France, je consulte désormais d’abord la rubrique décès, avant de lire les actualités locales. Je ne dois pas être le seul.

Mais je ne suis pas seul non plus, c’est très important, et quel plaisir alors, de fêter ses quatre-vingts ans auprès des siens, de sa famille.

Né le vingt-deux août 1939, j’ai bien essayé d’organiser l’affaire, pile-poil à cette date, quatre-vingts années plus tard, bien sûr, mais au mois d’août, l’été pas encore fini, tout le monde ne pouvait venir. Et comme le restaurant n’a pu libérer une salle suffisante pour accueillir tous mes invités avant le vingt-sept octobre 2019 ; c’est donc à cette date, un  dimanche midi, que j’ai pu rassembler toute ma famille.

Le jour J, nous sommes vingt-sept. Fils, belle-fille, frère, beaux-frères, belles-sœurs, nièces et neveux, tout le monde est là, personne ne manque à l’appel.(…)

Toujours prudent, j’attends un peu pour souffler les trois bougies d’ambiance fontaine d’artifice qui n’en finissent pas de répandre leurs projections. Qu’elles s’éteignent d’abord ! C’est bon ? Je souffle sur les flammes redevenues enfin plus sages.

En fin de repas, je remercie chaleureusement les invités et j’ai une pensée particulière pour les personnes qui devraient être parmi nous et qui, malheureusement, nous ont quittés prématurément.(…)

Ensuite, vers seize heures, toute la famille, personne n’est parti, vient à la maison se restaurer de quelques petits gâteaux et autres jus de fruits. Debout, près de la table, au centre de la salle à manger, l’assemblée réunie autour de moi, je présente tous les cadeaux que l’on m’a offerts lors de ce bel événement. Un hébergement dans un lieu atypique près de Saint-Malo, une caisse de vin du Sud-Ouest de la France, quelques soins divers et variés pour me pommader, un très beau cadre photo et j’en passe… Quel bel après-midi !

J’ai bien eu raison d’en profiter, car, ce jour-là, nous ne le savions pas encore, les premiers mois de 2020 ne vont pas s’avérer propices aux réunions de famille.

Un nouveau vocabulaire apparaît alors.

Coronavirus !… COVID-19 ! confinement, mesures barrières, déconfinement. Vraou !… Ça fait froid dans le dos ! Heureusement, je ne connais personne à ce jour décédé de la COVID-19. Mais ça fait réfléchir… On tient à la vie quand même. Depuis le 11 mai et le déconfinement, je demeure méfiant. Masqué, je change de trottoir pour ne croiser quiconque, je repousse mes retrouvailles avec T…… et H…… Bizarre… Je vais être patient, je ne suis pas pressé. Et pourtant dieu sait si j’aimerais les retrouver, tout comme j’aimerais danser, revoir les amis, discuter, rencontrer de nouvelles personnes, ou rire avec Paulo ou les Bodin’s, si par hasard, ils se donnaient en spectacle, pas loin d’ici.

Mais je vais être patient, je ne suis pas pressé…

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